Écrire et dessiner avec la lumière : une exploration
La photographie argentique redevient populaire depuis quelques années. Combien de fois je me suis interrogé sur les raisons d’un tel retour et pourquoi il fallait l’encourager…
Pour ce dernier article de la série, bien plus long que les autres, je vous propose de plonger dans l’Histoire de la photographie. Ma recherche sur ce sujet fascinant a débuté il y a quelques temps, je vous livre ici quelques éléments…
De tout temps l’oeil attentif a cherché à fixer ce qu’il voyait et ce qu’il ressentait à travers différentes techniques artistiques. L’apparition de l’image photographique provoqua un bouleversement aussi bien des codes artistiques que de notre société.
La naissance de l’image : la camera obscura
La tradition dans laquelle s’inscrit la photographie est immensément riche et fournie. Elle se nourrit des connaissances et de découvertes remontant jusqu’à l’Antiquité.
Des observateurs avaient remarqué que la lumière pénétrant par un petit trou dans une chambre noire, projetait sur le mur opposé une image inversée de la scène extérieure.
Aristote au IVème siècle avant J-C faisait part de ses réflexions au sujet de la « camera obscura« , et avant lui le philosophe chinois Mo Ti au Vème siècle dessinait les contours d’une image inversée avec un tel dispositif.
L’idée reste peu explorée en Occident jusqu’à la Renaissance, et ressurgit avec De Vinci au début du XVIème siècle. Dans ses écrits il apporte un certains nombre de réponses aux travaux d’Alhacen (965-1039), considéré comme le père de l’optique moderne. Il faudra ensuite attendre 1551 pour qu’un inventeur italien, Girolamo Cardano ait l’idée d’ajouter une lentille au dispositif.
Les améliorations successives apportées à la camera obscura furent ensuite utilisées pour dessiner avec précision des paysages, des natures mortes, des scènes de vie ou des portraits jusqu’a l’apparition de la photographie au XIXème siècle.
Illustration du fonctionnement de la camera obscura, telle qu’utilisée par les peintres à partir de la Renaissance.
La fixation de l’image
De plus, on savait depuis le Moyen-Âge (et probablement avant) que les sels d’argent noircissaient au soleil. On utilisait d’ailleurs certains mélanges chimiques à base d’argent pour noircir des matériaux et objets tels que le bois, l’ivoire, la fourrure, etc.
En revanche, ce qu’on ignorait c’était comment fixer une image obtenue à partir d’un tel procédé. Il manquait peu de choses, et il faudra attendre les expériences de Nicéphore Niépce en 1826 puis celles de son associé Louis Daguerre pour le découvrir. Si nos ancêtres étaient parvenus à résoudre ce problème plus tôt, l’histoire de l’humanité aurait pu être bien différente, et nous aurions pu conserver des traces « objectives » de ce qui s’est passé au Moyen-Âge, des rois, des monuments, de la vie locale, des combats…
Sans rentrer dans tous les détails, Nicéphore (comme bien d’autres) cherchait des moyens pour fixer les images au fond des chambres obscures. Lors de ses premières expériences dès 1816, il commence par enduire de sels d’argent des feuilles de papier et les dispose au fond de la chambre. Il parvient à réaliser la première reproduction d’une image de la nature. Etant donné que les sels d’argent noircissent au soleil, il s’agit d’un négatif, et puisque l’image n’est pas fixée, elle continue de noircir au soleil. D’autres personnalités comme Jacques Charles ou Thomas Wedgwood étaient parvenus aux mêmes résultats d’images fugitives respectivement 30 et 20 ans plus tôt. Nicéphore cherche également des moyens de créer des images directement positives avec d’autres composés chimiques. Mais il ne parvient toujours pas à fixer les images obtenues, c’est-à-dire à éliminer ce qui n’a pas été transformé par la lumière pour que l’image puisse se conserver et qu’on puisse l’observer en plein jour.
Au début des années 1820, il va mettre au point de nouvelles techniques grâce à une autre de ses passions : la lithographie, une technique d’impression qui permet la reproduction de dessins et de gravures sur des pierres calcaires. En 1824, il a l’idée de placer une pierre lithographique recouverte de bitume de Judée, une sorte de goudron naturel connue depuis l’Antiquité, au fond de sa chambre obscure. Le bitume de Judée est une substance noire qui blanchit et durcit à la lumière, et après une exposition de plusieurs jours, ce bitume va devenir le produit photosensible lui permettant de réaliser la première image fixée d’un paysage en 1824 (voir ci-dessous).
Il fera ensuite d’autres essais sur d’autres supports (du verre, du cuivre, de l’étain ou de l’argent) et en 1826 la réussite est complète. Le procédé est entièrement décrit sur le site du musée consacrée à Nicéphore Niepce.
Les années suivantes il tentera d’apporter des améliorations à son invention, il s’associera avec Louis Daguerre, et ensemble ils parviendront à trouver de nouveaux produits photosensibles et à réduire les temps d’exposition à quelques heures seulement (technique qu’ils nommeront « physautotype« ), mais Nicéphore mourra subitement le soir du 5 juillet 1833. Daguerre apportera ensuite un certain nombre de perfectionnements et rendra possible son exploitation commerciale sous le nom de « daguerrotype« . Son invention sera rachetée par le gouvernement français afin de permettre au monde entier de se saisir de cette invention. L’engouement est total et son invention sera très rapidement améliorée.
Avec leur invention ils sont parvenus à déjouer une des impuissances du miroir : capable de recevoir et de renvoyer les apparences, mais impuissant à les capter. C’est le point de départ vers un grand basculement. Le daguérrotype est image sur une plaque de cuivre, sa précision et sa netteté sont reconnus de tous, ce qui explique son succès commercial et qu’il soit devenu le support privilégié du portrait.
Mais leur procédé permettait de réaliser uniquement un positif, ce qui empêche toute reproduction de l’image. En pleine révolution industrielle cela n’était pas suffisant. Il fallait développer un support industriel, capable de faire état des changements brusques des sociétés et de faire la promotion du système industriel aux quatre coins du globe. A la fois produit et producteur d’une manière de voir le monde.
En 1835, l’anglais William Fox Talbot parvient à déjouer une de ces limites en obtenant le premier négatif sur du papier. La durée d’exposition varie de quelques secondes à plusieurs minutes. Avec son invention, le calotype, il devient possible de reproduire une photographie à l’infini. Le calotype est sans aucun doute le support qui va donner naissance à la photographie moderne car le plus adapté à la société moderne et urbaine.
Pendant près de vingt ans ce support s’imposera comme une référence pour photographier (et surtout partager) les paysages en pleine transformation, les ruines des civilisations disparues, ainsi que des images des usines ou des locomotives (James Mudd).
A partir de 1855, le calotype sera progressivement remplacé par les procédés au collodion humide sur plaque de verre ; les négatifs au gélatino-bromure d’argent sur plaque également ; puis par le film photographique créé en 1884 par l’entreprise Kodak que nous connaissons aujourd’hui et dont je reparlerai un peu plus bas.
La recherche esthétique contre l’industrialisation de la photographie
Après la découverte de la photographie ou plutôt de la fixation de l’image, tout s’accélère. En matière d’esthétique de l’image, de nombreux photographes entre 1890 et 1914 cherchent à se faire une place dans le monde des arts en faisant reconnaître la photographie comme pratique artistique à part entière.
Les photographes dit « pictorialistes » veulent ainsi dépasser la reproduction stricte de la nature (ou du réel) et de ce qu’on perçoit à travers l’objectif, en privilégiant la recherche esthétique et subjective. Ce travail de l’image se prolongeait bien au-delà de la prise de vue, rendant ainsi chacune de leurs oeuvres uniques.
Cette nouvelle esthétique de l’image entre en opposition avec une autre vision apparue à la même époque et défendue par des entrepreneurs comme Georges Eastman, le fondateur de Kodak.
Dès 1888, Eastman lance le slogan « You press the button, we do the rest !« . Avec Kodak, le grand public allait enfin pouvoir s’essayer à la photographie. Basé sur un modèle économique que l’on utilise encore aujourd’hui, le principe était simple : pour 25 dollars, le photographe en herbe pouvait prendre une série de 100 clichés. Il envoyait ensuite sa pellicule dans les usines Kodak de Rochester pour qu’ils réalisent le développement, les gravures et qu’ils rechargent la pellicule avant de renvoyer le tout au client. Mieux encore, ils lancent le Kodak Brownie, avec un film de 20 poses, que certains connaissent peut-être au prix de seulement 1 dollar en 1900.
Dès cette époque, l’image commence à envahir nos sociétés occidentales. On comprend alors que des artistes aient cherché à s’insurger contre ce phénomène.
L’art d’écrire avec la lumière
En 1907, Alfred Stieglitz, photographe américain d’origine allemande saisit un cliché qui va marquer à jamais le travail de l’image et de l’esthétique de la photographie : L’Entrepont.
Quand il décrit les circonstances dans lesquelles il réalise cette photographie, Stieglitz fait part de sa fascination et il cherche à capturer la spontanéité de la scène : « Arriverais-je à fixer ce que je voyais, ce que je ressentais ?« . En réalisant ce tirage, il marque un tournant majeur avec la photographie pictoraliste, à laquelle il était attaché, et il participe à donner naissance à un nouveau courant « moderniste » de la photographie et plus particulièrement à la « straight photography« , c’est-à-dire « pure« .
La photographie pour les modernistes et les « pure-istes » devait être une composition générée par l’oeil du photographe et écrite par la lumière. Le moyen photographique devenait alors un nouveau champ pour explorer la réalité sous toutes ses formes y compris les plus abstraites, en basculant vers le surréalisme. En 1914, Picasso dira d’ailleurs de Stieglitz (de qui il était proche) qu’il avait compris ce qu’était la photographie au moment où il avait pris l’Entrepont.
Des personnalités comme Paul Strand ou Ansel Adams, créateur du Zone System comptent parmi les figures de ce mouvement. Ansel Adams était d’ailleurs membre fondateur de f/64, groupe de photographes originaires de San Fransisco. Ses membres revendiquaient une reproduction la plus fidèle et objective de la réalité, en se basant uniquement sur la technique photographique (d’où la référence au plus petit diaphragme f/64 accessible sur une chambre grand format permettant d’obtenir la plus grande profondeur de champ).
La volonté de documenter le présent : l’image comme moyen
Avec l’apparition de la photographie, une autre approche du rôle de l’image est mise en avant par la volonté de documenter le présent. L’image photographique est alors considérée comme un moyen et non comme une fin. Cela dit, elle le deviendra progressivement avec la reconnaissance du travail esthétique de certain.e.s rapporteurs d’images devenus célèbres.
Au fil des décennies, le développement des moyens photographiques permettront de conserver une trace des personnalités influentes, des monuments, des paysages, des conflits, mais aussi de la vie quotidienne… Cette approche à laquelle nous sommes tous très familiers a vu le jour dès l’apparition de la photographie avec des filiations esthétiques très variées.
Le premier grand reportage de l’histoire de la photographie est probablement celui de David Octavius Hill et de Robert Adamson. À partir de 1843 et pendant plus de dix ans, ils vont réaliser une des premières grandes bases documentaires en photographiant plus de 1800 ministres du culte de l’Eglise libre d’Ecosse. Le plus surprenant est que cette base photographique leur servit uniquement de technique d’appoint pour réaliser une fresque monumentale à la peinture.
Image plus grande
Portrait datant probablement de 1906.
L’image comme support de notre existence ?
La liste des photographes ayant participé à documenter le présent sous toutes ses formes y compris les plus terribles est infiniment longue et se poursuit encore aujourd’hui. L’industrialisation de la photographie et l’essor de l’image en tant que support d’un message a permis en effet une croissance considérable du nombre de rapporteurs d’images.
Aussi, force est de constater que ces avancées, y compris les avancées technologiques, ont permis à des amateurs de participer à cette vaste entreprise de documentation du réel, à un point tel que c’est devenu aujourd’hui une habitude dans nos sociétés modernes. Nous immortalisons désormais chaque instant de nos vies et nous stockons ces images dans des albums photo, des disques dur, sur internet…plus qu’un simple « habit » l’image fait désormais partie intégrante de nous-mêmes et elle nous construit.
En quelques années seulement, l’image est devenu à la fois un support permettant l’expression artistique individuelle, le support d’un message historique ou institutionnel, mais aussi le support de notre existence toute entière. L’image comme moyen d’exister ?
La fabrique de la mémoire collective en sursis
Ces différents rôles de l’image conduisent à une nouvelle interrogation autour de la fabrique de la mémoire et de la transmission dans nos sociétés. Si l’on parvient à conserver des traces des premières photographies et des oeuvres artistiques au fil des siècles, les problématiques du stockage et de la conservation de nos images numériques se posent depuis un certain nombre d’années.
Il y a quelques temps de cela, je me souviens avoir lu une interview d’une personne de la BNF exposant les problématiques d’exploitabilité sur plus de dix ans des données informatisées. La conservation du train de bits semble être une question délicate, et cette personne expliquait qu’ils devaient générer des copies de l’ensemble de leurs données sur de nouveaux supports et formats régulièrement. Je me suis aussi rappelé qu’il m’arrive assez souvent de voir que certains de mes vieux fichiers soient corrompus et illisibles. Quand ils ne le sont pas, mes images semblent s’afficher de moins en moins grandes à cause de la montée en résolution de nos écrans et de nos images.
C’est une question que je trouve trop peu traitée tant elle paraît importante. Quelle trace de notre civilisation allons-nous laisser à la postérité ? Des successions de 0 et de 1 vides de contenus et de sens ? Peut-être avons-nous fait le deuil de l’Histoire depuis l’avènement du progrès ? Des moyens existent pour protéger ce patrimoine numérique à l’échelle des grandes institutions mais je m’interroge sur leur capacité à conserver l’intégrité des images que l’on souhaite conserver dans la durée. D’autre part, ces moyens ne sont pas applicables au grand public à moins d’avoir suivi une formation d’archiviste. Aurons-nous à nouveau la capacité de tomber un jour sur les plus de cent ans d’archives personnels d’un Jacques-Henri Lartigue ou d’une Vivian Maier ?
De même, un nombre important d’études nous alertent sur les conséquences environnementales désastreuses du numérique depuis plusieurs années. Pourtant, côté consommateur le coût écologique nous apparaît comme invisible du fait de la dématérialisation, et de l’absence de pollution visibles à l’usage. On ne cesse de s’émerveiller sur les progrès en termes de résolution, de consommation d’énergie, de fonctionnalités… De fait, le numérique est loin d’être considéré comme problématique au regard des services rendus. Bien au contraire, il apporte de la croissance, il s’améliore sans arrêt, et il présente tant d’avantages qu’on omet facilement de considérer les limites et les éventuels effets rebonds. La course au progrès est telle que les appareils photos à carte mémoire et l’ensemble de nos technologies numériques sont remplacés en moyenne tous les 18 mois. En revanche, une grande partie des boitiers argentiques produits tout au long du XXème siècle continuent d’être entièrement fonctionnels et produisent encore des images à des niveaux de résolution importants.
Pour ces raisons, la fabrique de la mémoire et de la transmission dans une société du tout numérique me semble fortement compromise. Aussi, à l’heure où l’image est devenue le support de notre existence et l’uns des piliers de notre civilisation moderne, il ne m’a jamais semblé aussi important de s’interroger autour du rôle et de la place de l’image dans nos sociétés.
Le bouleversement de la société
Dans ce sens, les débats existants entre la production d’images numériques et le recours à des procédés chimiques ou naturelles sont souvent liés à des envies simples comme de « prendre son temps », ou de réfléchir d’avantage à ce qu’on veut prendre en photo. Je constate aussi que la photographie argentique nous invite à nous saisir d’un héritage technique remontant à l’Antiquité et à puiser dans la créativité et le génie des artistes depuis la Renaissance. Elle nous rapproche des défis chimiques et physiques propres à l’optique et à la photographie ; elle nous met face aux contraintes artistiques et idéologiques auxquels étaient confrontés les photographes à l’époque, ainsi qu’aux choix esthétiques relatifs à l’image depuis les découvertes de Niépce et de Daguerre.
Cependant, les choses ne sont pas si simples. La photographie argentique est née quelques temps avant la seconde révolution industrielle et son usage a pu se généraliser à toutes les couches de la société par l’essor du productivisme. D’ailleurs, les images produites par ces appareils ont largement participé à vanter les mérites de nos sociétés modernes. Manifestement, le phénomène d’industrialisation de la photographie a conduit à un certain éloignement avec les autres formes d’art et les héritages du passé. Cet éloignement trouve bien entendu ses origines avec les premiers appareils Kodak au début du XXème « You press the button, we do the rest », mais aussi avant, avec l’apparition des premiers portraits au format « carte-de-visite » en 1854 par André Adolphe Eugène Disdéri.
Pour une poignée de francs, son appareil photo multi-objectifs permettait de réaliser 8 poses simultanément sur un même négatif (ce qui permettait de réaliser d’importantes économies). Il réalisait ensuite des tirages sur des petits formats, très en vogue à l’époque. Son fameux portrait-carte de Napoléon III permettra l’essor du procédé en France, en Europe puis aux Etats-Unis, si bien que cette pratique se généralise à presque toutes les familles bourgeoises dans les années 1880 et qu’on assiste à une véritable envolée du nombre d’ateliers de photographes pendant ces années.
De fait, pour bien saisir l’ampleur des bouleversements sociétaux en cours à cette période, il faut bien comprendre qu’avant l’apparition de la photographie, personne n’était habitué à se voir de l’extérieur, pas plus qu’on était habitué à voir apparaître son nom dans le journal (voir à ce sujet : Walter Benjamin – Petite Histoire de la Photographie, 1931). Rappelons aussi que la religion nous mettait en garde vis-à-vis de cette invention : le désir d’aspirer à fixer une image fugitive est une insulte à Dieu.
Cependant, cette course effrénée menée par quelques entrepreneurs ayant pour ambition de faire de l’image photographique un simple objet du quotidien à collectionner, et de l’appareil photographique un moyen à la portée de tous s’est poursuivie jusqu’à l’apparition du numérique dans les années 1990 et elle est encore en oeuvre aujourd’hui. La dynamique qu’emprunte l’image numérique est donc loin d’être révolutionnaire.
par Étienne Carjat, vers 1872
La réalité numérique : bienvenue dans la matrice
Toutefois, il faut bien distinguer les procédés argentiques des procédés numériques. La photographie argentique nous met face à l’incertitude de nos propres choix (il faut attendre pour voir le résultat), et elle rend réel et tangible le processus de création de l’image pour peu qu’on s’intéresse au développement du négatif et au tirage papier. A l’inverse, le numérique rend tout cela imperceptible et invisible par l’intermédiaire d’algorithmes traduisant des variations dans le système binaire.
D’ailleurs, dans la mesure où une image numérique est constituée d’une matrice de points appelés pixels, nécessitant chacun trois octets pour coder sa couleur, est-il encore possible de faire un lien entre une image numérique et le réel ? Bien sûr, dans les faits la ressemblance avec le réel est frappante, tant les algorithmes et les capteurs sont devenus sensibles aux différentes variations de couleur et de lumière. Mais en comparaison à une réaction purement chimique de la matière (l’argent pour l’argentique), dictée par les lois de la nature, le lien avec le réel devient tout de suite moins évident.
Conclusion : l’incomparable et le contre-poids
Force est de constater que l’apparition récente de l’image, qu’elle soit numérique ou argentique, fait appel à des techniques sensiblement différentes de celles qui existaient auparavant dans d’autres formes d’art. Et au même titre que l’on peut trouver beaucoup de similarités entre le dessin et la peinture, ces deux formes de photographie n’ont finalement que très peu de choses en commun, il y a donc finalement peu de raisons de vouloir les comparer…
Cependant, une chose est sûre, le processus de photographie numérique est plus simple et moins coûteux pour le ou la photographe sensible à la technique et la production d’image. C’est un argument de poids pour les consommateurs.rices que nous sommes.
Enfin, je ne veux pas laisser croire que l’argentique est exempt de défauts. Ses chimies émettent un certain nombre de pollutions lorsqu’elles ne sont pas valorisées correctement ; on gaspille des pellicules, des feuilles de papier, etc. Tout cela peut coûter cher, mais l’argentique donne envie de faire autrement et invite à prendre le temps de l’expérimentation. En passant plus de temps à observer, on prend tout simplement moins de photos. Et puis il existe des façons de récupérer les sels d’argent plutôt que de les laisser polluer les eaux. Et il existe aussi des procédés alternatifs comme le développement au café, au vin, et même d’autres encore plus écologique comme l’Anthotype que je vous invite vivement à découvrir. D’ailleurs pour ceux que ça intéresse, nous développons de telles alternatives au sein du labo.
Quelques liens pour aller + loin 🙂
Autour de la Camara obscura :
- http://www.janepack.net/camera-obscura-project
- http://brightbytes.com/cosite/tradecards.html
- https://www.torretavira.com/wp-content/uploads/2015/08/chambrenoire-torre-tavira.pdf
- https://www.albertdemun.fr/college/art2mun/histoire-des-arts-4eme-la-physique-et-lart-la-camera-obscura/
- https://journals.openedition.org/appareil/1170
- https://www.monatelierdepeintre.com/la-camera-obscura-ou-stenope
Les débuts de la photographie :
- https://www.niepce-daguerre.com/thomas_wedgwood.html
- http://www.photo-museum.org/fr/niepce-invention-photographie/
- http://historiccamera.com/cgi-bin/librarium2/pm.cgi?action=app_display&app=datasheet&app_id=3511
- https://books.google.fr/books?id=iP6lAwAAQBAJ&lpg=PA121&dq=%22Points%20de%20vue%20%C3%A0%20la%20chambre%20obscure%22&hl=fr&pg=PA121#v=onepage&q=%22Points%20de%20vue%20%C3%A0%20la%20chambre%20obscure%22&f=false
- https://photo-museum.org/fr/pierre-lithographie-invention-niepce/
- https://imagesociale.fr/5016
Calotype :
Gélatino-bromure d’argent (Louis Lumière) :
Films photographiques Kodak :
Photochrome :
- https://egyptophile.blogspot.com/2015/04/les-photochromes-de-vraies-photos-avec.html
- https://www.parisphoto.com/glossaire/Photochrome/
Anthotype :
- http://www.virusphoto.com/2914-experience-utiliser-une-feuille-de-geranium-comme-pellicule-photo.html
- https://youtu.be/REaunhybfug
Autour des conséquences environnementales du numérique :
- https://theshiftproject.org/lean-ict/
- https://www.usinenouvelle.com/article/le-recyclage-des-dechets-electroniques-toujours-a-la-traine.N637668
- https://reporterre.net/L-extraction-mondiale-de-materiaux-atteint-70-millliards-de-tonnes-par-an
- https://reporterre.net/La-croissance-verte-est-une-mystification-absolue
- https://www.bastamag.net/Numerique-cette-empreinte
- https://www.lespetitescases.net/la-conservation-des-donnees-numeriques-n-est-ni-une-revolution-ni-inatteignable
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Que de découvertes, merci beaucoup pour cet article passionnant !
Super !